Hervé et Emmannuelle, Cultures Des Demains

Pouvez-vous vous présenter brièvement ainsi que votre association ?

Hervé : J’ai une formation initiale d’ingénieur en informatique. Après 25 ans de gestion de projets dans une société de service où l’humain s’est délité au fil des années, j’ai profité du dernier rachat de cette société pour demander une rupture conventionnelle et me reconvertir. Je voulais créer un lieu qui puisse concilier tout ce qui me passionne dans la vie : la culture de la terre (j’ai toujours eu un potager et une approche écologique), la culture du corps (j’ai toujours fait du sport et des travaux manuels), la culture de l’esprit (j’ai toujours eu besoin d’exprimer ma créativité au travers du dessin, du patinage artistique puis du théâtre) et la culture de la relation (avec l’envie d’aller à la rencontre de moi et des autres en suivant les élans de mon cœur). Je suis alors tombé sur la permaculture qui s’est révélée l’outil parfait pour accompagner ce projet. Je me suis formé pendant un an au Bec Hellouin et le projet de micro-ferme autonome hébergeant l’association Cultures des Demains est né.

Emmanuelle : Je suis conteuse, marionnettiste, art-thérapeute. Lorsque nous avons décidé de créer notre micro-ferme, j’ai rencontré la terre et les plantes avec un regard nouveau. Celui d’une maraîchère qui a envie de faire pousser les légumes le plus naturellement possible, dans un sol vivant accueillant une abondante biodiversité. Celui d’une cuisinière qui fait danser les légumes dans les assiettes pour en faire découvrir toutes les saveurs. Celui d’une artiste qui met en scène notre lien à la nature pour nous inciter à nous reconnecter à celle-ci.

Association : L’association propose des actions relatives à la permaculture : des formations, des ateliers réguliers, des prestations de conseil et d’accompagnement, du maraîchage vendu sous forme de paniers, des animations de chantiers participatifs et des organisations de fêtes. La permaculture est une approche globale qui vise à concevoir, réaliser et maintenir des systèmes humains durables et soutenables en prenant exemple sur les écosystèmes naturels.

 

Que retenez-vous de ces temps de transmission avec les jeunes depuis le début du parcours ?

Ces journées avec les stagiaires, c’est d’abord une rencontre humaine. La croisée de plusieurs chemins de vie qui n’est pas un hasard et qui vient tous nous enrichir. Cette rencontre, tous les stagiaires l’ont voulu consciemment ou pas :  ils se sont inscrits à ce parcours de préqualification avec l’envie profonde de prendre ou reprendre la main sur leur devenir. Cela se ressent même si ce n’est pas un choix facile pour beaucoup. Très vite, nous avons aussi été touchés par la bienveillance qui règne dans ce groupe. Une attention toujours présente qui se traduit par l’envie d’encourager et d’aider celle ou celui qui est en difficulté ou en baisse d’énergie. Nous aimons aussi entendre leurs jeux et leurs taquineries qui rythment les journées avec beaucoup de joie.  Nous ne savons pas si cette expérience de maraîchage réveillera des vocations, mais elle aura déjà permis de révéler les aptitudes de chacun. L’attirance vers des tâches minutieuses presque méditatives, le besoin d’efforts physiques, l’envie de comprendre comment ça fonctionne, la capacité à animer un groupe, l’imagination de solutions pour gagner en efficacité, la recherche d’autonomie dans son travail…

Quel est l’intérêt de ce type de ce parcours pour votre association ?

L’un des objectifs de l’association est de montrer qu’une autre façon de cultiver et de vivre, en harmonie avec la nature (et notre nature) est possible. Nous accueillons déjà des bénévoles et des stagiaires sur des périodes de 2 ou 3 semaines pour créer ces temps d’échanges. Ce parcours étalé sur trois mois est une opportunité de plus de partager notre regard sur la vie, en espérant qu’il aidera chacun à révéler son talent créatif. Avoir régulièrement une équipe de 8 personnes volontaires et enjouées à nos côtés, ça met de la bonne humeur dans les jardins et ça met un sacré coup d’accélérateur pour les entretenir ! Le temps de transmission est largement compensé par l’aide collective apportée. D’ailleurs, avant les plantations d’été, les jardins n’ont jamais été aussi beaux et à jour qu’aujourd’hui.

 

Quelles sont les compétences acquises par les stagiaires ? Seriez-vous prêts à renouveler l’expérience ?

 Lors des 3 mois, nous aurons expérimenté toutes les étapes nécessaires à la culture :
– Création et rénovation de planches de culture (aération, désherbage, profilage, fertilisation et paillage)
– Montage et utilisation d’un compost
– Semis en place ou dans des contenants, repiquage, plantation
– Mise en place des arrosages en goutte à goutte
– Tuteurage
– Cueillette et confection des paniers

Renouveler l’expérience ? Oui, avec l’envie de responsabiliser davantage les stagiaires en les rendant plus autonomes sur certaines activités, en fixant ensemble des objectifs précis.

Une petite anecdote marquante lors de ce parcours ?

Lors du premier repas préparé avec les légumes du jardin, nous avons fait goûté les piments produits et séchés à la ferme. Sami qui adore ça, les a tous goûtés et a mis une bonne cuillère du plus fort dans son plat. Bien que la sueur commençait à perler sur son front, il n’a montré aucun signe d’irritation… Il faut dire que Sami est d’origine camerounaise et que le piment n’a plus de secret pour lui. Mais plus d’un, moins aguerris, ont voulu l’imiter… On a entendu tousser par ici ; on a vu rougir les pommettes par là ; les fourchettes ont ralenti leur manège et les panières de pain se sont vidées à vu d’œil… Les protagonistes ont continué fièrement de clamer que tout allait bien, et pourtant ils ont terminé le repas en silence.
Depuis, le piment accompagne tous nos repas à la ferme mais chacun a appris à s’écouter en ajoutant la dose de feu qui lui convient…